EXTRAIT
Je me souviens encor de la chambre d’un bouge
De ses cheveux bouclés et de son corps d’albâtre
De sa montre pendue à un sautoir d’or rouge
Et du fauteuil moelleux d’un hôtel de La Châtre.
Sous le regard perçant d’un laquais vicieux
Elle laisse glisser son manteau de fourrure
Et pour me faire absoudre un combat glorieux
Elle retire enfin la clef de la serrure.
Pendant qu’une traînée me dévoile ses charmes
Sur une route étroite en dehors du hameau
J’insulte la comtesse aux yeux rougis de larmes
Qui se donne en pâture à mon frère jumeau.
Dans un sinistre hôtel où une fée séjourne
J’expose les raisons de ma haine secrète
En m’approchant du lit où elle se retourne
Pour se mettre avec grâce en position levrette.
Oubliant sans remords un cruel désaveu
Je regagne exalté la chambre contiguë
A celle de ma soeur, pour attendre l’aveu
Que me laisse entrevoir sa réponse ambiguë.
Dans le sombre parking du casino d’Enghien
Je contemple une gueuse au sourire immuable
Qui se courbe devant son frère consanguin
Pour lui prêter la clef d’un but inavouable.
Je regarde en buvant un verre d’eau potable
L’escalier de service à la rampe en sapin
Où s’accroche sans peur la femme d’un notable
Pour exaucer le voeu d’un sournois galopin.
Dans le port où conduit un chemin de traverse
J’abandonne à regret ma bouteille d’absinthe
Pour comprendre le choix d’une muse perverse
Et implorer Satan pour qu’elle tombe enceinte.
Meurtrie par les baisers d’une putain hargneuse
Au coeur d’une forêt de bouleaux et de charmes
Devant un immigré à la moue dédaigneuse
Blême, elle se rhabille en refoulant ses larmes.
J’observe en sanglotant la femme audacieuse
Qui remet à sa place un couteau en vermeil
Et déchire sans honte une image pieuse
Pour briser un tabou à nul autre pareil.
Camille de Archangelis
Poèmes extraits de : « trou noir » Editions Books on Demand 2010
2011 - Premier prix de poésie érotique francophone du Cercle Européen de Poésie Francophone Poêsias.
Chaque quatrain est indépendant des autres.